Batterie sèche pour plus de sécurité
Des chercheurs de l'ETH Zurich ont développé une batterie lithium-ion composée exclusivement de matériaux solides - elle ne contient ni liquides ni gels. Même à des températures très élevées, il ne peut pas s'enflammer.
Les batteries lithium-ion permettent de stocker une grande quantité d'énergie dans un espace réduit. Cela en fait la source d'énergie de choix pour les appareils électroniques mobiles. Les téléphones portables, les ordinateurs portables, les vélos électriques et les voitures électriques sont aujourd'hui alimentés par de tels accumulateurs. Des chercheurs de l'ETH Zurich ont désormais développé un type d'accumulateur qui, contrairement aux accumulateurs traditionnels, se compose exclusivement de composés chimiques solides et n'est pas inflammable.
Les batteries lithium-ion classiques ne sont en effet pas sans danger : à plusieurs reprises par le passé, des batteries de téléphones portables ont explosé, provoquant des blessures. Et dans la vieille ville de Steckborn, au bord du lac de Constance, une rangée entière de maisons a brûlé il y a six mois. L'incendie a été déclenché par un accumulateur de modélisme qui a pris feu parce qu'il avait été chargé de manière probablement inappropriée.
Les accumulateurs à l'état solide peuvent être fortement chauffés
Dans les batteries lithium-ion classiques, ainsi que dans la plupart des autres batteries, le pôle positif et le pôle négatif - les deux électrodes - sont constitués de composés conducteurs solides ; entre ces électrodes, des charges se déplacent dans un électrolyte liquide ou sous forme de gel. Si l'on charge un tel accumulateur de manière inappropriée (si on le surcharge) ou si on le laisse au soleil, le liquide peut s'enflammer ou le gel peut gonfler.
Il en va autrement des batteries dites à l'état solide (en anglais solid state batteries), qui sont actuellement en cours de développement dans de nombreux laboratoires de recherche du monde entier : Dans ces batteries, non seulement les électrodes, mais aussi l'électrolyte qui se trouve entre elles, sont fabriquées dans un matériau solide. "Les électrolytes solides ne commencent pas à brûler, même lorsqu'ils sont très fortement chauffés ou exposés à l'air libre", explique Jennifer Rupp. Elle est professeur de matériaux électrochimiques à l'EPF de Zurich et a dirigé le développement de ce nouveau type de batterie.
Recherche à l'interface
L'un des défis dans le développement d'accumulateurs à l'état solide est de relier les électrodes et l'électrolyte de manière à ce que les charges puissent circuler entre eux avec le moins de résistance possible. Les chercheurs de l'EPFZ ont désormais trouvé une approche de fabrication améliorée pour cette interface électrode-électrolyte.
En laboratoire, ils ont fabriqué une batterie construite en sandwich : entre les deux électrodes, une couche d'un composé contenant du lithium (grenat de lithium) sert d'électrolyte solide. Le grenat de lithium fait partie des matériaux présentant la conductivité la plus élevée connue pour les ions de lithium.
"Lors de la fabrication, nous avons veillé à ce que la couche d'électrolyte solide ait une surface poreuse", explique Jan van den Broek, étudiant en master dans le groupe de Rupp et l'un des premiers auteurs de l'étude. Les chercheurs ont ensuite appliqué le matériau du pôle négatif sous forme liquide, qui a pu pénétrer dans les pores. Enfin, les scientifiques ont durci la batterie à 100 degrés Celsius. "Avec un électrolyte liquide ou sous forme de gel, il n'aurait pas été possible de chauffer un accumulateur à une température aussi élevée", explique van den Broek. Grâce à l'astuce des pores, les chercheurs ont pu augmenter considérablement la surface de contact entre le pôle négatif et l'électrolyte, ce qui a finalement pour effet d'accélérer la charge de l'accumulateur.
Des températures plus élevées pour une plus grande capacité
Selon Semih Afyon, ancien scientifique du groupe Rupp et aujourd'hui professeur à l'Institut de technologie d'Izmir en Turquie, les batteries ainsi fabriquées pourraient théoriquement fonctionner à une température ambiante normale. Toutefois, au stade actuel de leur développement, elles ne fonctionnent vraiment bien qu'à environ 95 degrés. "Les ions de lithium peuvent alors mieux se déplacer dans la batterie", explique Afyon.
On pourrait par exemple utiliser cet état de fait dans des centrales électriques à accumulateurs, qui pourraient stocker l'énergie excédentaire et la restituer en différé. "De nombreux processus industriels génèrent aujourd'hui de la chaleur résiduelle qui s'évapore sans être utilisée", explique Afyon. "En couplant les centrales de stockage à batterie avec des installations industrielles, on pourrait utiliser la chaleur perdue pour faire fonctionner la centrale de stockage à des températures optimales".
Nouveaux accumulateurs à couche mince
"De nombreux projets de recherche actuels sur les batteries à l'état solide se concentrent sur l'amélioration des électrolytes", explique Afyon. Selon lui, il existe peu d'études comme celle-ci, dans laquelle les scientifiques assemblent et testent une batterie à l'état solide entière - en utilisant des méthodes qui sont également utilisées dans la production industrielle.
"Dans ce travail, nous avons pour la première fois fabriqué une batterie lithium-ion entière avec un électrolyte solide de grenat de lithium et un pôle négatif solide d'un oxyde. Nous avons ainsi démontré qu'il est possible de construire des batteries entières avec du grenat de lithium", explique le professeur Rupp de l'ETH. Grâce à cet électrolyte solide, on peut non seulement faire fonctionner des batteries à des températures plus élevées, mais aussi construire des accumulateurs à couches minces. Parmi celles-ci, il y a celles que l'on peut placer directement sur des puces de silicium.
"Ces accumulateurs à couches minces pourraient révolutionner l'alimentation en énergie des appareils électroniques portables", explique Rupp. Elle et son équipe poursuivent cette approche dans le cadre de recherches ultérieures. Pour ce faire, ils ont également collaboré avec des partenaires industriels ainsi qu'avec l'Institut Paul Scherrer et l'Empa. Dans les prochaines étapes, il s'agira d'optimiser l'accumulateur, en particulier d'augmenter la conductivité à l'interface électrode-électrolyte.
Texte : Fabio Bergamin , ETH Zurich
Référence bibliographique : Van den Broek J, Afyon S, Rupp JLM : Interface-Engineered All-Solid-State Li-Ion Batteries Based on Garnet-Type Fast Li+ Conductors. Advanced Energy Materials 2016, 1600736, doi : 10.1002/aenm.201600736