Les charges héritées du passé peuvent être lourdes à porter
Quiconque souhaite acheter ou construire sur un terrain devrait jeter un coup d'œil au cadastre des sites pollués. Cela permet d'éviter les mauvaises surprises.
Depuis 1983, la loi fédérale sur la protection de l'environnement contient une section sur l'assainissement des sites pollués. En 1998, cette section a été révisée, l'ordonnance sur les sites contaminés est entrée en vigueur et des compléments concernant le financement de l'assainissement des sites pollués ont été ajoutés en 2006.
Sites contaminés, sites pollués et déchets
Ces trois termes sont étroitement liés. Dès qu'un sol ou un sous-sol pollué est excavé, le mouvement d'un seul godet de pelleteuse transforme un site pollué ou un site contaminé en déchets de construction contaminés. Les déchets de construction doivent être éliminés aux frais du détenteur. En règle générale, il s'agit du maître d'ouvrage.
Avant d'entamer des travaux d'excavation, les maîtres d'ouvrage seraient bien avisés de clarifier précisément qui prend en charge les coûts supplémentaires liés à l'excavation contaminée et, le cas échéant, si un assainissement est nécessaire ou a été ordonné et, si oui, de quel type. Il s'agit notamment de déterminer si le site pollué présente ou non un danger pour l'air, l'eau et le sol. En effet, c'est ce que l'on appelle le risque qui fait d'un site pollué un site contaminé.
La différence est importante : dans le cas d'un site pollué ne présentant pas de risque avéré, il n'y a pas d'obligation d'assainissement. Dans le cas d'une excavation nécessaire à une construction, les coûts des déchets contaminés sont entièrement à la charge du maître d'ouvrage, qui ne peut réclamer ces coûts que sur le plan civil ou par le biais de contrats préalablement conclus avec le responsable de la contamination ou le vendeur du terrain. Ce n'est que dans des cas bien précis que l'on peut faire appel à l'art. 32b bis de la LPE pour ce que l'on appelle la charge héritée du maître d'ouvrage et demander au pollueur de passer également à la caisse.
Dans le cas d'un site pollué présentant un danger potentiel, on parle de site contaminé : les coûts sont à la charge du pollueur. Si celui-ci est inconnu ou insolvable, sa part des coûts est à la charge de la collectivité (canton, fonds public, commune, etc.), une telle prise en charge des coûts étant généralement précédée d'une décision prescrivant un assainissement et comprenant une décision de répartition des coûts. Dans ce cas, le maître d'ouvrage est dispensé de la prise en charge des coûts.
Estimation des risques et des coûts
Le coût des déchets de construction contaminés est déterminé en premier lieu par les filières d'élimination prescrites. Comment les déchets doivent-ils être triés ? Dans quelle mesure le recyclage est-il prescrit ? Quels déchets doivent être incinérés, lesquels doivent être mis en décharge, et dans quelle décharge ? Ces questions sont régies depuis 2015 par l'ordonnance sur la prévention et l'élimination des déchets.
C'est pourquoi il convient de connaître la quantité et le type de déblais pollués avant d'entreprendre des travaux de construction, afin de pouvoir estimer les coûts de leur élimination. Comment faut-il procéder à l'évaluation des risques et des coûts ? Quels sont les instruments disponibles ?
Ce thème sera approfondi lors du congrès "Sites contaminés intensifs" en mars 2020 (voir encadré à la fin du texte), qui traitera notamment de la sécurité des prévisions et de la procédure optimale.
Une première étape avant d'acheter ou de construire sur un terrain consiste à consulter le cadastre des sites pollués, qui peut être consulté publiquement dans tous les cantons.
Cadastre des sites pollués (CSP) : Le cadastre est un outil d'information et de planification pour les autorités, mais il aide également les propriétaires fonciers, les acheteurs potentiels et les maîtres d'ouvrage. Le cadastre contient toujours les informations suivantes :
- Situation du site
- le type et la quantité des charges existantes
- la période de dépôt et d'exploitation ainsi que les effets déjà constatés
- les enquêtes déjà menées
Que signifie une inscription KbS ? Il est très probable qu'il y ait des pollutions sur le site. Dans le passé, il est arrivé que des sites prétendument pollués se révèlent non pollués. Pour les maîtres d'ouvrage ou les acheteurs, le cas inverse est toutefois beaucoup plus grave : lorsque des pollutions se révèlent plus graves que prévu pendant la phase de construction ou que des terrains sont pollués alors qu'ils ne figurent pas au cadastre.
Il appartient à l'acheteur ou au maître d'ouvrage de s'informer suffisamment à l'avance sur les charges et leurs coûts. Si un terrain ne figure pas au cadastre, il convient de poser les questions suivantes :
- Dans quelle région se trouve le terrain ?
- Les terrains situés dans le voisinage sont-ils répertoriés dans le cadastre ?
- S'agit-il d'un ancien site industriel, commercial ou de décharge ?
- Y a-t-il des remblais ?
- S'agit-il d'une ancienne carrière de gravier ?
- Est-il situé dans la plaine alluviale d'une rivière ?
Si vous pouvez répondre par l'affirmative à l'une de ces questions, vous devriez y regarder de plus près.
Si un terrain est répertorié dans le cadastre, il est important de se poser la question suivante : les analyses sont-elles suffisantes pour une évaluation définitive ou faut-il encore obtenir des informations supplémentaires ?
En théorie, cela semble simple, mais comment le maître d'ouvrage doit-il procéder ? On ne peut que lui conseiller de faire appel à des spécialistes qui lui apporteront l'aide nécessaire pour répondre à ces questions, notamment les différents bureaux d'expertise et les entreprises de gestion des déchets spécialisées dans les sites pollués et les sites contaminés.
Qu'est-ce qui ne figure pas au cadastre ? Le cadastre ne mentionne que les nuisances dans le sous-sol. Les pollutions dans les bâtiments n'y sont pas enregistrées. Il incombe au maître d'ouvrage d'examiner le bâtiment avant d'y effectuer des travaux afin de détecter d'éventuelles contaminations par l'amiante, les PCB et autres substances dangereuses, car il est responsable de la sécurité et de la santé des personnes travaillant sur le chantier. En cas de travaux non conformes avec des matériaux de construction contaminés, le maître d'ouvrage peut être confronté à des demandes de recours importantes.
La pollution dans les bâtiments est particulièrement présente dans les anciens sites de production et dans les bâtiments construits ou rénovés entre 1950 et 1980. Il n'existe pratiquement aucun bâtiment de cette époque qui ne contienne pas d'amiante ou de PCB. Là encore, des spécialistes peuvent aider à évaluer la pollution.
Éviter les contraintes de temps : Nos recherches montrent que c'est surtout la pression du temps qui fait grimper les coûts.
Pour qu'une construction sur un site pollué soit couronnée de succès, il est essentiel de disposer d'informations aussi précises que possible avant d'acheter ou de commencer les travaux. Cela ne signifie pas que, lors d'une étude technique, l'ensemble du terrain doit être creusé le plus complètement et le plus profondément possible - mais plutôt que les connaissances des spécialistes sont utilisées de manière stratégique et tactique et qu'il est ainsi possible d'obtenir un résultat aussi complet que possible avec des études moins coûteuses. Les investigations techniques plus coûteuses peuvent ainsi être réduites au minimum.
L'enquête la moins coûteuse reste l'enquête historique - elle prend du temps, mais il est souvent possible de se faire une idée relativement précise de la situation antérieure sur le terrain en consultant d'anciens plans, en interrogeant d'anciens collaborateurs ou des voisins. Il est préférable d'investir plus de temps et d'efforts dans cette enquête relativement peu coûteuse plutôt que de se lancer immédiatement en espérant que les choses n'iront pas si mal. Cette manière de procéder est certes humaine, mais elle a déjà conduit plus d'un maître d'ouvrage au bord de la ruine.
Quelle est la fiabilité des prévisions ? Plus l'enquête est détaillée, plus les contraintes et les coûts qui en découlent sont connus avec précision. Mais les examens techniques en particulier sont relativement coûteux. Les coûts des examens techniques augmentent de manière exponentielle à partir d'un certain point lorsque la précision de la prédiction augmente. Par conséquent, il existe un optimum jusqu'auquel il convient d'effectuer des recherches. Comment cet optimum peut-il être déterminé ? Cela varie d'un cas à l'autre et ne peut être illustré que par des exemples. Cela dépend entre autres du type et de la répartition de la charge, de la nature du sous-sol ou de la date et de la durée de la contamination du sous-sol. Il n'existe pas de recette miracle.
Il se peut qu'à ce stade, il soit judicieux de faire un pas en arrière afin d'approfondir l'étude historique, moins coûteuse, d'exploiter des sources d'information supplémentaires et de ne poursuivre les études techniques qu'ensuite. Seuls des spécialistes, c'est-à-dire des bureaux d'expertise spécialisés dans la pollution des sols, peuvent en juger.
Dans le cas de sites pollués, il subsiste toutefois toujours une incertitude résiduelle, l'étude la plus précise ne peut pas réduire ce risque à zéro. Ceux qui craignent ce risque peuvent notamment confier le mandat d'excavation à un prix forfaitaire ; il existe aujourd'hui des entreprises qui ont l'expérience en la matière. Mais attention aux moutons noirs ! Au final, c'est toujours le maître d'ouvrage qui porte la responsabilité : si l'entreprise mandatée par le maître d'ouvrage n'élimine pas correctement les déblais, l'autorité peut se retourner contre le maître d'ouvrage.
Optimiser les coûts en adaptant la planification : Construire sur des sites pollués est possible - mais cela nécessite du temps pour une bonne planification et pour les imprévus. Dans la section précédente, nous avons vu qu'une bonne connaissance de la pollution est cruciale pour une prévision fiable des coûts.
Une connaissance précise de la charge permet toutefois d'aller plus loin : la planification peut être adaptée aux conditions sur place. Chaque mètre cube de matériau pollué qui n'est pas excavé n'entraîne pas de frais lors de l'élimination. Si les charges sont connues localement, il est peut-être possible de déplacer les corps de bâtiment de manière à ne pas avoir de matériaux d'excavation ou du moins à en avoir moins. Qui sait, le déplacement des corps de bâtiment pourrait peut-être donner lieu à une conception architecturale intéressante. Peut-être est-il possible de construire un garage souterrain ou une cave là où il n'y a pas de charge. Ou est-il possible de construire en hauteur plutôt qu'en profondeur ?
Implication de tous les acteurs : Un déplacement des corps de bâtiment ou une construction plus haute nécessite en règle générale l'accord des autorités : Le déplacement des corps de bâtiment est-il autorisé ? Une dérogation aux distances à respecter doit-elle être demandée et approuvée ?
Est-il possible d'obtenir avec les autorités une construction plus élevée que celle prévue dans la zone ? La plus-value ainsi créée peut-elle couvrir partiellement les coûts engendrés par la charge ?
Y a-t-il un intérêt public à la construction ? Les villes et les collectivités sont souvent intéressées par la réaffectation des friches industrielles situées sur leur territoire et peuvent être prêtes à négocier. Répondre à ces questions nécessite du temps et de la patience, ainsi qu'un rapprochement avec les acteurs publics. Cela permet d'explorer de nouvelles voies et de créer des solutions innovantes, ce qui n'est pas possible sous la pression du temps.
Assainissement total oui ou non ? De nombreux maîtres d'ouvrage ont pour objectif d'éliminer complètement les nuisances sur le terrain, que ce soit par excavation ou par un autre type de décontamination (p. ex. lavage du sol). L'avantage est que le terrain ne figure ensuite plus au cadastre et que le revenu locatif et la valeur de rendement sont proportionnellement plus élevés.
Il convient ici de peser soigneusement le pour et le contre : Le bénéfice supplémentaire justifie-t-il les coûts plus élevés d'un tel assainissement total ? Les coûts nécessaires à une rénovation totale sont-ils vraiment utilisés à bon escient ? Ou bien le bénéfice net, c'est-à-dire la différence entre le prix de vente ou les revenus locatifs et les coûts de la construction, est-il peut-être plus élevé si l'on n'assainit que dans la mesure où la loi le prescrit ?
Des facteurs de coûts moins connus : Ce que beaucoup de maîtres d'ouvrage ignorent, c'est que les modifications de la législation peuvent également faire grimper les coûts. Il existe plusieurs exemples où l'élimination des déchets a été planifiée il y a une dizaine d'années conformément aux prescriptions légales, mais où le projet de construction n'a été réalisé que récemment pour diverses raisons. Dans certains cas, les coûts d'élimination ont augmenté de plus de 100 pour cent en raison des nouvelles prescriptions relatives aux valeurs limites des déchets ou des nouvelles voies d'élimination prescrites. En cas de retards importants, tous les maîtres d'ouvrage ont intérêt à se renseigner pour savoir si le projet peut encore être réalisé comme prévu et aux coûts prévus.
Cette incertitude existe toujours, des changements par rapport à la pratique actuelle sont également envisageables à l'avenir. Par exemple, les guides de l'ordonnance sur la prévention et l'élimination des déchets sont encore en partie en cours d'élaboration et ne seront publiés que dans les prochaines années, ce qui peut entraîner des changements. Les guides n'ont certes pas force de loi, mais les tribunaux se réfèrent souvent aux guides dans leurs décisions en cas de litige. Des changements par rapport à la pratique actuelle sont donc également envisageables à l'avenir.
Réglementation dans les contrats
Toutes ces questions doivent être réglées en détail. Pour les contrats avec les autorités, il faut notamment retenir les points suivants : une définition précise des parties, l'exclusion du risque en cas de changement politique et l'exclusion du risque de neutralisation des droits civils de la démocratie directe à la lumière de l'égalité de droit, de l'interdiction de l'arbitraire, de la proportionnalité et des règles de soumission. Dans le cas contraire, le projet ne survivra pas aux éventuelles oppositions.
Le ou les responsables de la pollution ou du site contaminé doivent également être impliqués dans les questions de financement. Qui prend en charge quels coûts ? Le pollueur ne prend-il en charge que l'assainissement du site contaminé prescrit par la loi, c'est-à-dire jusqu'au point où le site ne présente plus de risque pour le sol, l'eau ou l'air ? Ou le pollueur prend-il en charge les coûts de l'assainissement total que le maître d'ouvrage souhaite peut-être ? A cet égard, de nombreux maîtres d'ouvrage ont déjà eu un réveil difficile après que le sous-sol contaminé a été entièrement excavé et éliminé à grands frais.
Un contrat entre particuliers doit contenir en détail tous les accords conclus, notamment l'obligation de prendre en charge les coûts, la garantie, la description précise du site pollué ainsi que le type et l'étendue de l'assainissement. Le contrat ne doit pas contredire les dispositions du CC et du CO et doit notamment tenir compte de toutes les prescriptions de droit public, car le droit public prime sur le droit privé.
Conclusion
Le risque lié à la construction sur un site pollué ou à l'achat d'un tel site peut être maîtrisé. Les éléments décisifs pour un déroulement réussi sont des informations aussi complètes que possible sur la pollution, une bonne planification, du temps pour les imprévus et le recours à des professionnels et des spécialistes (bureaux d'expertise appropriés, conseillers juridiques et entreprises exécutantes). Les maîtres d'ouvrage qui font appel à ces spécialistes et qui disposent de suffisamment de temps connaissent les risques, peuvent les calculer et les gérer.
Mais si l'on craint de tels risques, il vaut mieux confier le contrat en bloc à une entreprise compétente. Mais attention aux brebis galeuses, car la responsabilité d'une exécution conforme à la loi incombe toujours au maître d'ouvrage.
Auteur : Gerhard Schneider, professeur, University of Applied Sciences, and Arts Western Switzerland (HES-SO), HEIG-VD, Yverdon-les-Bains
"Sites contaminés intensifs"
Sur le site 17 mars 2020 Heigh-VD organise à Zurich le congrès "Altlasten intensiv : Sanierungskosten - Prognose und Realität". Les thèmes suivants seront abordés :
- Le pronostic sûr : souhait et réalité. Point de vue des évaluateurs et des entrepreneurs
- La garantie de la législation sur les sites contaminés - une affaire devenue banale dans le canton de Zurich
- Comment les cantons gèrent-ils les coûts de suivi des décharges - un exemple pratique
- Les banques décident-elles de la perte de valeur des terrains hypothéqués ?
- Comment les promoteurs immobiliers gèrent-ils les charges pesant sur les terrains ?
- Jurisprudence et décisions judiciaires actuelles
Pour plus d'informations : www.umweltrecht-schweiz.ch